par Yann B., Docteur en science politique. Université Panthéon-Assas Paris II
La dernière bévue du Président du MRC est la création d’une cagnotte pour soutenir les Camerounais en proie au COVID-19 et son interdiction logique par le ministère de l’administration territoriale.
Il apparaissait clair dès l’annonce de la création de cette « tontine » qu’elle serait interdite par les autorités en place quels que soient la fragilité des arguments juridiques la justifiant. Maurice Kamto qui est bien au fait de comment fonctionne Yaoundé, le savait clairement mais a quand même lancé sa cagnotte. Cela prouve une chose essentielle qui est plus que décevante : c’est une utilisation cynique du COVID-19 pour configurer le champ politique autour de son opposition personnelle à Paul Biya.

Il y a d’abord eu son injonction à Paul Biya de s’exprimer, suite à quoi Maurice Kamto constaterait la vacance du pouvoir. Politiquement, on ne pouvait que sourire de voir un ancien ministre intimer à son ancien patron de s’exprimer en public faute de quoi il serait destitué. Quand Maurice Kamto était ministre, Paul Biya ne s’exprimait ni n’apparaissait davantage. Cela ne l’avait gêné pendant 7 ans. Par ailleurs, connaissant Paul Biya qui n’aime rien tant qu’apparaitre comme le maitre des horloges libre de toute pression, il était évident qu’il ne s’exprimerait pas.
Ensuite, d’un point de vue juridique, cela est encore plus confondant. Voilà donc un Président auto-proclamé, prétendument meilleur juriste du pays, qui s’institue juge et partie. Ainsi Maurice Kamto seul dans son bureau aura constaté et pris acte de de la vacance du pouvoir. Rappelons que dans les faits, une telle vacance est constatée par le pouvoir parlementaire, ce qui explique que le Président du Sénat assure l’intérim. On ne peut aspirer à la présidence d’un pays et exprimer un mépris aussi cynique des institutions existantes déjà considérablement fragilisées par la pratique dilettante de Paul Biya.

Ce cynisme a été à son comble à propos du lancement de cette cagnotte et montre un Président du MRC dépassé par les évènements.
Un homme d’Etat aurait pu appeler à une réconciliation nationale, appeler les Camerounais à contribuer au fonds crée par les institutions, lancer des opérations communes de sensibilisation avec les autres partis d’opposition et le RDPC. Cela aurait vraiment mis le parti-Etat dans l’embarras.
La moindre des choses aurait été de reconnaitre la compétence au moins dans la communication du nouveau ministre de la santé et l’encourager, après les treize années atroces qu’aura connu ce ministère sous son prédécesseur, ancien collègue de Kamto au gouvernement. Bien au contraire. Il est d’ailleurs significatif que les sites de Fake News proches du MRC se sont empressés de décrire Manaouda Malachie dans ses précédentes fonctions comme un soutier des opérations minières douteuses du fils du président.
Maurice Kamto et ses supporters se sont lancés dans une politisation de la gestion des pandémies. La meilleure preuve de cette politisation cynique a été que son document sur la COVID19 était signé « le Président élu » et évoquant un « Président de fait » agitant un chiffon rouge devant les autorités de Yaoundé. Lesquelles ont réagi comme on pouvait s’y attendre. Comment peut-on se livrer à une telle politicaillerie au regard des risques que fait peser l’expansion du COVID-19 sur la société camerounaise ? Comment peut-on diviser la société camerounaise alors que l’unité- qui n’est pas la caporalisation- est impérative dans ce contexte ?
Une fois de plus, on constate à quel point Maurice Kamto est un émule de Paul Biya et est intimement lié à ce dernier d’un point de vue politique. De fait, la candidature de Maurice Kamto n’a de plus-value que face à Paul Biya, notamment du fait de la polarisation ethnique dont ils sont les champions ( Sardinards vs Tontinards ; Ekang vs Secte Bahamique).
Cela explique la fébrilité de Kamto et de ses supporters face à l’à l’apparente compétence d’un Manaouda qui n’est pas un Bulu, ni même Foulbé. L’émergence d’un acteur politique tiers, plus jeune, relativement compétent et dont l’action a un impact direct sur la vie des camerounais n’est évidemment pas du goût du MRC et de son président ( sans doute, pas du goût de beaucoup au sein du Parti-Etat qui s’empresseront de casser cet élan le moment venu. Le MRC et le RDPC se rejoignent sur ce point).
D’où l’empressement de détourner la conversation pour la ramener à la seule chose qui compte vraiment pour Maurice Kamto : lui et ses ambitions présidentielles (perdues). Les Camerounais qui pourraient faire face à une dégradation de leurs conditions de vie n’ont qu’à attendre.
En conclusion, on peut reconnaitre au Professeur Kamto une capacité d’entrainement de certains camerounais. Toutefois, en délaissant son costume de technocrate, le président du MRC a confondu le fait de devenir un homme politique avec celui de se transformer un politicien cynique qui cultive les clivages à outrance plutôt que leur dépassement.
Cela témoigne d’une lecture erronée des aspirations des camerounais qui veulent changer de président mais aussi de système. La dernière opération politicienne et cynique du Professeur montre plus que jamais qu’il appartient à ce vieux monde qu’il faudra jeter aux orties le moment venu.